De la Jamaïque au Québec, « les plantes parlent le même langage »

Quelle ne fut pas ma surprise de me faire répondre en français – ou devrais-je dire en québécois! – par Lois Morgan, alors que je m’intéressais à la relation entre les Jamaïcains et leur flore. Et son histoire est d’autant plus surprenante…

C’est à l’âge de 16 ans que Lois Morgan, originaire d’un petit village de la paroisse de Manchester en Jamaïque, débarque au Québec. Avec l’appui de ses parents, Shirley et Matilda Morgan, elle s’est enrôlée dans le programme de mobilité AFS (American Field Studies), qui envoie des étudiants en séjour d’apprentissage partout dans le monde.

Partie d’une île anglophone des Caraïbes, elle atterrit dans un village de cinq mille habitants, Saint-Pie. Ne parlant pas un mot de français, elle est jumelée à la famille Duval, formée de Jean-Jacques, Céline et de leur quatre fils. Saint-Pie est au cœur du Québec agricole et Lois suivra des cours au collège Saint-Maurice, un établissement d’études secondaires pour filles. Elle y étudie les rudiments de la biologie et donne libre cours à sa passion pour les plantes. Surtout, elle apprend le français.

« Avec les années, ma connaissance du français s’est avérée inestimable. J’ai eu l’occasion de travailler comme traductrice et comme interprète, par exemple aux Championnats du monde d’athlétisme jeunesse de 2002, ici à Kingston. Mes atouts linguistiques m’ont aussi permis de trouver un emploi avec le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement), où je travaille constamment avec des homologues d’Haïti et de République Dominicaine, dont plusieurs ne parlent pas anglais. »

Aujourd’hui botaniste au département de foresterie du gouvernement jamaïcain, Lois vit à Kingston, la capitale. Elle est coordonnatrice des serres spécialisées dans les plantes domestiques et artisanales, en plus de collaborer avec les botanistes des jardins publics, Hope Gardens. Elle nous offre d’ailleurs une visite guidée…en français!

Lois compte continuer à améliorer son français pour des raisons professionnelles. Elle se concentre présentement à maîtriser le jargon technique de la botanique, afin de pouvoir échanger plus facilement avec ses collègues à travers le monde. Avec raison, car la Jamaïque possède une expertise en horticulture et en arboriculture, principalement en ce qui concerne la flore tropicale. Mais pas uniquement : Lois et son équipe étudient aussi le comportement de conifères et de plantes exotiques dans l’environnement jamaïcain.

« Les Jamaïcains ont une relation privilégiée avec la nature et les plantes, explique Lois Morgan. Même en ville, peu importe la taille du logement, il y aura un endroit réservé aux plantes. Elles sont garantes de notre équilibre psychologique et moral. »

Lois Morgan3 - Crédit Nicolas Pelletier

Une philosophie qu’elle a développée en partie durant son séjour en banlieue de Saint-Hyacinthe.

« Parler français m’a ouvert beaucoup de portes, mais ça m’a surtout permis de rencontrer tellement de personnes inspirantes. Vous savez, que l’on soit au Québec ou en Jamaïque, les plantes parlent le même langage! »

Lois a eu l’occasion de revoir les Duval à deux occasions depuis son adolescence, une fois au Québec en 1997 et l’autre en Jamaïque au début de l’année 2015. À cette occasion, les deux familles – les Morgan et les Duval – se rencontrèrent pour la première fois. Cet événement fut particulièrement émouvant pour Lois, d’abord car cela faisait près de vingt ans qu’elle n’avait pas vu les Duval, mais surtout parce qu’elle pouvait enfin voir ses deux familles, l’une biologique et l’autre adoptive, se rencontrer.

Bien entendu, lorsqu’ils se côtoient, les Duval exigent que Lois parle en français, comme dans le temps!

Cet article a été publié dans Agora francophone.

2 Comments

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  1. cconnolly22 cconnolly22 5 avril 2016 — 20 h 40 min

    Awright!  ðŸ‘

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