Séduction et politique : retour sur la visite de Barack Obama

ÉDITORIAL – Une opération séduction, rien de moins. Derrière la visite d’État d’usage s’est déroulé un exercice de relations publiques réglé au quart de tour. Entre ce qui a retenu l’attention du public et les motivations politiques sous-jacentes, un retour sur la présence de Barack Obama en Jamaïque.

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Chaque minute que le « Président du monde » a passé sur l’île a été savourée par les Jamaïcains.

Lorsque l’information a coulé que c’était la Maison Blanche qui avait contacté Portia Simpson-Miller pour organiser l’escale jamaïcaine de Barack Obama, en route pour Panama et le Sommet des Amériques, les analystes ont vite dressé l’oreille. Habituellement, une visite d’État est prévue des mois, voire des années à l’avance. Cette fois, le président américain cherchait à se rendre en Jamaïque.

Ce n’était pas pour visiter le musée  Bob Marley ou pour poser avec Usain Bolt, quel que soit le plaisir qu’Obama ait pu trouver dans ces activités.  Plutôt,  il s’agissait pour lui d’amorcer un rapprochement entre les États-Unis et la CARICOM, notamment  – mais pas exclusivement – sur le plan de l’énergie. Pour l’occasion, Obama a rencontré les principaux leaders de la CARICOM (communauté principalement constituée des États caribéens anglophones et d’Haïti) accompagné de son secrétaire à l’Énergie, Ernest Muniz.

Le président Obama pose avec Usain Bolt [Crédit photo by Pete Souza]
Le président Obama pose avec Usain Bolt [Crédit photo Pete Souza, Maison Blanche]
Le moment n’était pas banal : le lendemain, toutes les parties prenantes à la discussion seront au Sommet des Amériques, qui ouvre ses portes au Panama. De plus, quelques jours plus tôt, le Venezuela, étouffé par sa dette, avait annoncé la suspension du programme PetroCaribe, en vertu duquel il  acheminait du pétrole à rabais à la plupart des membres de la CARICOM. Désormais, un intérêt stratégique se dessinait autour du bassin caribéen pour les États-Unis.

Outre la question géopolitique, Barack Obama a abordé plusieurs sujets lors de son discours à l’Université des Indes occidentales (UWI), autant de façons d’attirer l’attention des médias et de la population sur sa visite.

Un de ces sujets fut la difficile question publique de l’homophobie et des droits des homosexuels. Dans son discours, Barack Obama a lancé un appel à l’ouverture en racontant l’histoire d’Angeline Jackson, une jeune femme violée pour son orientation sexuelle. Aujourd’hui, cette dernière est militante LGBT dans un des pays les plus homophobes au monde. Angeline Jackson explique la situation de la communauté LGBT à l’heure actuelle dans un autre billet de ce blogue.

Le président américain a aussi été questionné – dans une plage prévue à cet effet avec des questions connues d’avance – sur les politiques américaines en matière de cannabis. Un sujet d’actualité : à peine un mois plus tôt, la Jamaïque décriminalisait la possession de moins de deux onces de marijuana.

Malheureusement, les médias ont surtout retenu les « yah man » à répétition de l’interlocuteur d’Obama plutôt que la réponse complète du président. Car en fait, il a mis la Jamaïque en garde contre la puissance des industries internationales, qui mettraient un terme à la production locale et artisanale du cannabis pour en faire une ressource profitable au plan économique. Ce qu’il fallait démontrer, le viral l’a laissé de côté.

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Une rue bloquée à la circulation.

Sécurité = Investissements = Prospérité

Alors que le centre-ville de Kingston était presque complètement fermé à la circulation pour assurer la sécurité d’Obama, ce dernier a parlé de la lutte contre le terrorisme et le trafic international de drogues. Il est revenu sur des hypothèses comme quoi l’État islamique recrutait en Jamaïque (hypothèses confirmées deux jours après le départ d’Obama) en encourageant l’ensemble des États caribéens à renforcer leur surveillance.

Enfin, en traitant du problème récurrent du trafic international de drogues en direction des États-Unis (la Jamaïque est un point de passage, le port de Kingston en particulier), le président américain a souligné l’importance de la sécurité pour attirer les investissements, en premier lieu ceux provenant de l’Amérique du Nord. En outre, il a salué les efforts du gouvernement pour lutter contre le crime organisé, confirmant qu’il s’agissait là de la route vers la prospérité. Quel coup de pouce pour le parti au pouvoir!

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Les policiers et les militaires assurent la surveillance dans les rues de Kingston.

Avant de saluer la foule et de s’envoler vers Panama City, Barack Obama a annoncé 70 millions de dollars en investissements destinés à la jeunesse et à des projets en éducation.

Puis, après ces « 1 313 minutes au paradis », le président du monde a pris son avion vers d’autres cieux.

COMPLÉMENT :  Pour voir la vidéo complète du discours de Barack Obama à UWI  ou pour lire un éditorial jamaïcain sur la visite du président.

Crédit photo : Maison Blanche
Crédit photo : Maison Blanche

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